• Crise grecque : Ulysse revient !

    ACTE I SCENE I

    Contexte : Les cités grecques sont l’objet de menaces persistantes et d’agressions répétées de la part d'ennemis venus de la Finance. Les Grecs se sont regroupés une fois de plus sous la houlette d’Agamemnon. Celui-ci, en désespoir de cause fait appel, cette fois encore, au rusé Ulysse.

    Lieu : la grande salle du Conseil
    Agamemnon est assis sur son trône, l’air abattu. Ses conseillers, silencieux, tournent en rond, la tête basse, l’air pensif.

    Arrive Ulysse


    Agamemnon : Ah te voilà, Ulysse, nous attendions ta venue avec impatience

    Ulysse : Salut à toi, Agamemnon ! que se passe-t-il ? Que réclame cette foule dehors ?

    Agamemnon : Tu ignores donc les menaces dont nous sommes l’objet ? Les nouvelles ne parviennent donc pas jusqu’à Ithaque ?

    Ulysse : Non, hélas, malgré la promesse des dieux, nous n’avons toujours pas la fibre optique. Je passe mes soirées à faire des points de croix avec Pénélope. J’ai dû terminer mon l'ouvrage avant de pouvoir te rejoindre, ce qui explique mon retard.

    Agamemnon : Ah je vois... Heureux qui comme Ulysse a fait un long ouvrage

    Ulysse : (Oui, bon, ça commence bien !) dis moi l’objet de ta convocation, ô Grand Roi ! Tu as l’air inquiet.

    Agamemnon : Je le suis Ulysse ! depuis quelques mois nous sommes l’objet d’attaques incessantes de la part de nos ennemis et je ne sais plus quoi faire ! Le peuple gronde, certains appellent déjà à l'insurrection.

    Ulysse : Qui sont donc ces insensés qui osent s’en prendre à toi, ô Grand Roi ?

    Agamemnon : les banques,  la Bourse, la Finance … que sais-je encore ? nos créanciers, quoi !

    Ulysse : Vos créanciers ? Que vous veulent-ils donc ? Quelle peut bien être la raison de leur hostilité ?

    Agamemnon : Ben… comment dire ? Nous n’avons plus la capacité de les rembourser, ils menacent donc de ne plus nous prêter la moindre drachme à l’avenir.

    Ulysse : Ben... ça parait normal, non ?

    Agamemnon : Merci beaucoup, Ulysse, pour cette fine analyse ! Si t’as envie de te marrer, on peut aussi danser le Sirtaki ! Comme ça, nous au moins mes conseillers et moi pourrons participer à la poilade…

    Ulysse : Ne te vexe pas, vaillant Agamemnon ! Voyons, qu’est ce qui s’est passé pour que vous en soyez arrivé à cette situation de faillite ? La malédiction de Zeus, la grippe AH1N1, le redoutable virus Ebola ?

    Agamemnon : Non, non, rien de tout cela ! Je crains que nous n’ayons été trop sympas ces dernières années…

    Ulysse : Ah moi je l’ai toujours dit à mes sujets : en politique : trop bon, trop con ! Mais... ça ne te ressemble pas beaucoup. Ca veut dire quoi concrètement "trop sympas" ?

    Agamemnon : ben, chais pas, moi ! Nous avons 25 % de fonctionnaires, par exemple…

    Ulysse : Par Zeus ! Un grec sur quatre est fonctionnaire ??? mais avec quoi les payez-vous ? les impôts doivent être insupportables...!

    Agamemnon : ben.. non, justement... tu sais, les impôts, nous on n'aime pas beaucoup ça, ici !

    Ulysse : mais avec quoi les payez-vous, bordel ?

    Agamemnon : mais avec les prêts, la dette, le déficit… avec nos créanciers, quoi ! tu ne comprends donc rien ?

    Ulysse : Ah oui, bien sûr bien sûr ! Ah putain ! 25 % de mecs payés douze mois pour en bosser huit, c’est quand même lourd comme fardeau…

    Agamemnon : Euuhhh… ils ne sont pas payés douze mois, Ulysse…

    Ulysse : Ah quand même ! je me disais bien…

    Agamemnon : ils sont payés quatorze…

    Ulysse : quatorze… quoi ?

    Agamemnon : quatorze mois !

    Ulysse : Ah la vache !!!! ah putain !!!! Par la foudre de Zeus ! bon pas de panique, restons calmes, gardons notre sang-froid, on en a vu d’autres ! Autre chose encore ?

    Agamemnon : Oh des bricoles... quinze jours d'absence pour cause familiale  par an sont payés sans justificatif. Ils les prennent tous évidemment.

    Ulysse : Non mais attendez ! C’est pas vous qui avez pris ces mesures, là, ce sont vos ennemis qui vous les ont imposées ?

    Agamemnon : Non, c’est nous, je te l’ai dit : on a été trop sympa !

    Ulysse : Bon vous savez quoi ? On va faire casquer les autres : les salariés du privé vont bosser jusqu’à 75 ans, les commerçants et les artisans vont cracher au bassinet !

    Agamemnon : Oui, mais ça on l'a mis en place, évidemment ! Mais ça va pas être facile, tu sais : on a une économie souterraine florissante, un laxisme fiscal que pourraient nous envier certains paradis fiscaux… ET puis si j'augmente les impôts, je vais avoir aussi les grecs sur le dos !

    Ulysse : bon, ok ok ! Alors, voyons… voyons… que faire ? Ah tiens ! Vous avez interrogé l’extrême gauche européenne ? Elle a souvent d’excellentes idées !

    Agamemnon : Ah pour ça, des idées, ils en ont, oui ! Et d’excellentes vraiment !

    Ulysse : Oui, je l'ai souvent constaté. C'est quoi, en l’occurrence ?

    Agamemnon : Ils proposent... euhh... d'effacer  la dette

    Ulysse : Ah oui, d'accord ! Comme pour Haïti et le Ghana ?

    Agamemnon : Euuhh.. oui… oui, c’est un peu ça, l’idée, en fait, oui…

    Ulysse : Et bien entendu, ils suggèrent que, tout de suite après avoir effacé la dette, les banques nous prêtent à nouveau de quoi maintenir votre style de vie et votre déficit chronique ?

    Agamemnon : Ah ben… normal ! Nous n’allons pas laisser la finance internationale décider de ce qu’il convient de faire chez nous ! Non mais, faut quand même pas pousser !

    Ulysse : Ils n’ont pas proposé que les restos du coeur vous prennent en charge pour la bouffe, par hasard ?

    Agamemnon : bon Ulysse, tes remarques perfides commencent à me fatiguer ! Soyons positifs, trouvons une solution !

    Ulysse :  Et l'extrême droite, elle  propose quelque chose  ?

    Agamemnon : Oui en gros, ils proposent de massacrer tous les métèques,  barbares  et autres rastaquouères...  avec femmes et enfants, évidemment !

    Ulysse : pour leur piquer leurs maisons et leur pognon ???

    Agamemnon : Mais non, enfin ! Ce sont des crève-la-faim qui n'ont pas un rond ! C'est même pour ça qu'ils sont chez nous !

    Ulysse : mais pourquoi les tuer alors ?

    Agamemnon : Mais j'en sais rien, moi ! pour se passer les nerfs ! ne leur jette pas la pierre, j'ai déjà essayé le massacre de masse, ça calme les tensions musculaires, je t'assure !

    Ulysse : Je suis découragé, je ne vois aucune solution, ô Grand Agamemnon !

    Agamemnon : Moi, j'en vois une !

    Ulysse :Ah oui...? Ce serait quoi ?

    Agamemnon : Ben, je me disais que, toi et moi, on pourrait mutualiser nos dettes. Il paraît qu'au fil des années, vous avez réussi à mettre de côté un beau petit magot. Si nos créanciers savent que vous garantissez nos dettes, ils pourraient reprendre confiance en nous.

     

    Ulysse : Ah oui, je vois, me porter caution en quelque sorte ! Ce qui te permettrait de continuer à endetter davantage ta cité...! Mais dis-moi, ô grand Roi, quand TES dettes auront dépassé le montant de MES économies, comment ferons-nous ?

    Agamemnon : Ah ben, on avisera à ce moment-là, Ulysse ! A chaque jour suffit sa peine !

    Ulysse : Bon,  ben... je vais rentrer chez moi réfléchir tranquillement à ta proposition !  Au fait tu ne m'as pas dit : Qu'est-ce que j'y gagne là-dedans ? 

    Agamemnon : Ma gratitude, Ulysse, ma gratitude ! Je dirais même plus : ma reconnaissance, mon amitié, ma sympathie...

    Ulysse : Ok d'accord ! Et bien voilà ce qu'on va faire: je rentre à Ithaque et je demande à mes experts d'évaluer précisément la valeur de ton amitié, de ta reconnaissance et de ta gratitude et je te recontacte une fois que c'est fait pour te donner l'équivalent en drachmes, ok ?

     

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