• L'école des fans... de lecture !

    Dans l'émission La Grande Librairie, un des invités raconte comment il a commencé à lire dans sa jeunesse et conclut "Et j'ai découvert que la lecture pouvait aussi me faire rire". Et l'animateur de "rebondir" en regardant le public avec un large sourire en répétant lentement "la lecture peut aussi nous faire rire ! Quel magnifique enseignement !" et il demande , d'un geste de la main, au public d'applaudir cette phrase magnifique  ! Un peu comme Jacques Martin quand il répète au public un mot d'enfant particulièrement drôle. Là, en l'occurence, c'était que la lecture peut aussi nous faire rire ! Merci, Francois Busnel !

    Depuis Pivot, qui avait su renouveler le genre en se positionnant comme un profane humble et curieux, les journalistes littéraires n'ont pas trouvé leur marque, je trouve. Ils sont souvent, soit ridiculement pédants, soit excessivement prétentieux et condescendants, soit très polémistes et très énervants. 

    Ridiculement pédant, celui qui pose à son invité des questions non seulement interminables mais en plus agrémentées de citations, de comparaisons avec d'autres auteurs, de références littéraires, le tout dans un langage précieux et avec des gestes raffinés. La question s'adresse d'ailleurs très peu à l'invité. Elle a plus pour objet de démontrer l'immense culture littéraire de celui qui la pose. De plus, il a souvent, en s'exprimant, le regard levé au plafond de celui qui n'a rien préparé et qui cherche le mot juste et le petit sourire en coin de celui qui pense qu'il épate son auditoire.

    Excessivement prétentieux et condescendant, celui qui n'invite QUE des écrivains et artistes peu ou pas du tout connus, d'origine géographique lointaine, de culture inaccessible au commun des mortels français, ce qui, jusqu'ici, n'est pas en soi une mauvaise idée, mais qui s'adresse à eux (et à nous !) comme s'il connaissait parfaitement et depuis fort longtemps la culture et la littérature des pays de tous les écrivains invités sur son plateau, mais  aussi celles des pays voisins et des siècles précédents. Il ne dira jamais " j'ai appris en préparant l'émission que...", non !  Il dira, et sur le ton de l'évidence, "mais en vous lisant, il m'a semblé que vous étiez en rupture complète avec  tout   ce qui s'est fait dans la littérature du haut Kosovo depuis le début du siècle dernier, non?"  

    Très polémiste et très énervant celui qui se dit qu'une émission culturelle se doit d'être bordélique ! Et même, que plus c'est bordélique, plus on crie fort, plus on s'insulte et plus c'est culturel. Il est vrai que le désordre et la polémique peuvent agrémenter parfois un débat trop ennuyeux ! C'était le cas du Michel Polac de la grande époque de Droit de réponse, par exemple. Ou même du Michel Field d'il y a vingt ans. Aujourd'hui l'ambiance enfumé et bordélique  n'est plus de mise. La polémique s'est déplacée sur Internet et la recherche du "Buzz" a remplacé les cris et les insultes. Dans l'émission de Taddéï,  Ce soir ou jamais, c'est par exemple la violence polémique d'un duel organisé entre Caroline Fourest et Tarik Ramadan, ou une colère de Finkielkraut qui attesteront du caractère culturel de l'émission. Ensuite, ce qui reste de la vieille idée qu'il faut que ce soit bordélique pour être culturel se passe sur Internet. Ce n'est pas sur le plateau de l'émission qu'on se lance des cendriers ou des verres d'eau à la tête, mais sur You Tube et Daylimotion. Dans les jours et les semaines qui suivent l'émission, de nombreux extraits de l'émission seront publiés avec des intitulés du genre "Fourest humilie Ramadan" ou "Tarik Ramadan ridiculise Fourest"  ou "Finkielkraut pète un cable"!  

    Mais ce qui fait malgré tout de Taddéï un grand journaliste culturel, c'est qu'il sait aussi inviter et questionner avec talent des gens comme cet historien nommé Michel Pastoureau qui écrit l'histoire des couleurs des origines à nos jours (un livre consacré à chaque couleur) et qui en parle tellement bien, avec une telle connaissance de son sujet, une telle passion, une telle simplicité qu'on n'a qu'une envie une fois l'émission terminée : aller acheter le livre de l'auteur mais auparavant remercier le journaliste qui nous l'a fait découvrir. 

     

     

    « InversionMes voeux pour 2014 »