• Les poules apeurées

     

    Après avoir crié leur joie le jour de la victoire, les eurosceptiques se sont tus. En Grande Bretagne, personne ne réclame rapidement de nouvelles élections législatives. Elles auront lieu quand même, tôt ou tard, mais personne n’est pressée et surtout pas les vainqueurs. En France, Mélenchon et Le Pen sont passés à autre chose.  

    Les blogueurs pro Brexit ont abandonné le ton hargneux pour un ton plus conciliant et revendiquent seulement que l’Europe ne soit pas trop Britannophobe (alors qu’eux ne cachent pas leur Europhobie) et aussi, le droit, en quelque sorte, pour la Grande Bretagne de se tromper.

    Tout le monde commence à comprendre une chose. Dans la vie privée comme dans la vie publique, tout a un coût, tout avantage a sa contrepartie.

    Celui qui quitte l’Europe n’a plus accès automatiquement et de plein droit au marché européen. C’est la moindre des choses. On ne peut pas crier au scandale. Il y a des règles internationales qui régissent tout ça.

    Or le problème de tous les pays aujourd’hui est d’avoir un accès (plus ou moins ouvert) à cet immense marché de consommateurs compulsifs que nous sommes devenus. C’est valable pour la Chine et les Etats-Unis, c’est valable pour la Pologne et la Lituanie.

     

    Boris Johnson, le démago, promet déjà que la Grande-Bretagne bâtira avec l’Union une "relation fondée sur le libre-échange et un partenariat économique". C’est vrai, il a raison, il y a aura partenariat. Mais il oublie de parler des contreparties. Il fait croire que son pays pourrait refuser que les Européens (les Polonais par exemple) s’installent en Grande Bretagne, et obtenir malgré tout un libre accès au marché polonais à travers l’UE.

     

    C’est un peu comme la promesse électorale de Nigel Farage (le Le Pen britannique) d’affecter les sommes allouées à l’Union Européenne à l’assurance santé. Ne parlons pas du montant qui était exagéré, mais du principe.

    Bien sûr, en quittant l'Europe, on se retrouve en possession du joli magot constitué de la contribution qu’on versait à l’Europe. Mais on se retrouve aussi à prendre en charge les innombrables dépenses qui étaient couvertes par l’Europe (financement de nombreux projets -aéroports, routes-  subventions à l’agriculture...)

    Cette promesse démagogique (et pour tout dire crapuleuse) que l’on entend aussi en France suppose que la contribution versée à l’Europe n’a aucune contrepartie et qu’en quittant l’Europe on se retrouve immédiatement en possession du pactole NET.

     

    C’est ce qui, depuis des années, me déplaît le plus chez les eurosceptiques : tromper leur monde en faisant croire qu’en quittant l’Europe on pourrait être libéré de ses défauts et contraintes tout en gardant ses avantages.

     

    En faisant croire que nous pourrions continuer à être riche en évitant la grande compétition mondiale et en nous rabattant, comme au bon vieux temps de notre gloire passée, sur l’industrie houillère, sur la sidérurgie et la métallurgie.

     

    En faisant croire que nous pourrions régler seuls, entre nous, enfermés dans l’enclos de nos frontières comme des poules apeurées, les grands défis du monde.

     

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