• Mon siècle de solitude

    Je ne sais plus qui a dit : Un grand écrivain est un type qui te raconte TON histoire en prétendant raconter la sienne. A l'occasion de la mort de Gabriel García Márquez, on peut voir dans la presse à quel point chacun a SA lecture  de "Cent ans de solitude". 

    Pour ma part, dans mes souvenirs à moi, Cent ans de solitude, au moment où je l'ai lu, racontait l'histoire de ma famille. Aujourd'hui encore, tout se mélange dans ma tête entre les aventures tragi-comiques de la famille de José Arcadio Buendia et celle de mon grand-père syrien Ziki. 

    Cent ans de solitude, c'est  l'histoire rêvée de ma famille, l'histoire des migrations humaines  à l'époque où elles étaient vécues comme  des aventures individuelles et des épopées familiales. L'époque rêvée  où tu partais découvrir et défricher des terres plus ou moins vierges, livré à toi-même dans un monde sans fin où les frontières étaient perméables et les routes incertaines. 

    L'époque où le voyage durait des mois, voire des années, et  se faisait à pied, en train, en autobus, en bateau, puis encore à pied, en train, en autobus, en bateau.. C'était l'époque où, chaque jour, tu devais gagner de quoi continuer le voyage et où tu finissais par te fixer quelque part sur la route par lassitude ou  parce que le patron t'appréciait ou parce que sa fille t'avait souri.

    L'époque où tu quittais ton pays pour fuir les persécutions religieuses, ou par révolte contre un père tyrannique ou dans l'espoir de faire fortune. Et souvent pour les trois raisons à la fois.   

    Cent ans de solitude, c'est aussi l'histoire de l'implantation dans un coin de la planète de braves gens comme vous et moi. C'est l'histoire d'aventuriers pathétiques qui ont des femmes et des enfants, l'histoire de bricoleurs maladroits, de commerçants pas très doués, d'inventeurs loufoques, de femmes acariâtres et sensuelles et  d'enfants rêveurs. 

    C'est l'histoire de braves gens qui croient en Dieu, au Diable, au mauvais oeil, à la magie noire, aux revenants qui viennent la nuit vous tirer par les pieds et au Saints qui exhaussent les voeux si on leur adresse des prières dédiées. Ma famille quoi ! 

    C'est l'histoire de familles qui ont traversé le siècle dernier et ses horreurs. Et qui se disent que les histoires personnelles étant trop pauvres et les histoires nationales trop générales, seules les sagas familiales permettent d'expliquer les choses et valent la peine d'être racontées.

     

    "ô chercheurs, ô trouveurs de raisons pour s’en aller ailleurs"  (saint John Perse) 

    « Expo photo exceptionnellePourquoi tu m'as appelé "chéri" ? »