• Et voilà pourquoi la Cinquième est malade

     

    LA MELUCHE : Est-ce là, votre fille, la malade ?

    GÉRONTE : Oui, c'est la Cinquième ; je n'ai plus qu'elle et j'aurais tous les regrets du monde si elle venait à mourir.

    LA MELUCHE : Qu'elle s'en garde bien, il ne faut pas qu'elle meure avant que je sois prêt.

    GÉRONTE : Allons, un siège pour le leader maximo !

    LA MELUCHE (en aparté) : La Cinquième... Voilà une malade fort dégoûtante et je tiens qu'un homme bien sain ne saurait s'en accommoder.

    GÉRONTE : Que murmurez-vous là ? Vous lui faites peur, Monsieur.

    LA MELUCHE : Tant mieux, lorsque le leader fait peur, c'est le meilleur signe du monde. Eh bien ! de quoi est-il question ? De quel mal souffre-t-elle ?

    GÉRONTE : Monsieur, sa maladie est qu'elle est devenue impuissante et muette

    LA MELUCHE : Et pourquoi ?

    GÉRONTE : Depuis les élections elle incapable de prendre une décision cohérente et refuse de parler

    LA MELUCHE (en aparté) : Et qui est ce sot-là, qui ne veut pas qu'elle soit muette et impuissante ? Plût à Dieu qu'elle le reste, je me garderais bien de la vouloir guérir.

    GÉRONTE : Enfin, Monsieur, nous vous prions d'employer tous vos soins, pour la soulager de son mal.

    LA MELUCHE : Ah ! ne vous mettez pas en peine. Dites-moi un peu, ce mal l'oppresse-t-il beaucoup ?

    GÉRONTE : Oui, Monsieur.

    LA MELUCHE : Tant mieux. Se sent-elle impuissante ?

    GÉRONTE : Très

    LA MELUCHE : Fort bien. En souffre-t-elle ? 

    GÉRONTE : Oui...

    LA MELUCHE (se tournant vers la malade) : Donnez-moi votre bras. Voilà un pouls qui marque que votre fille est muette et impuissante.

    GÉRONTE : Eh! oui, Monsieur, c'est là son mal : vous l'avez trouvé du premier coup.

    LA MELUCHE : Nous autres grands leaders visionnaires, nous connaissons d'abord les choses. Un ignorant aurait été embarrassé, et vous eût été dire : « C'est ceci, c'est cela » : mais moi, je touche au but du premier coup, et je vous apprends que votre Cinquième fille est muette et paralysée.

    GÉRONTE : Oui, mais je voudrais bien que vous me pussiez dire d'où cela vient.

    LA MELUCHE : Il n'est rien plus aisé. Cela vient de ce qu'elle ne peut plus prendre de décisions

    GÉRONTE : Fort bien : mais la cause, s'il vous plaît, qui fait qu'elle ne peut plus prendre de décisions ?

    LA MELUCHE : Tous nos meilleurs auteurs marxistes vous diront que ce sont le matérialisme et la dialectique qui l'empêchent de prendre les bonnes décisions

    GÉRONTE : Mais, encore, vos sentiments sur la cause de cet empêchement ?

    LA MELUCHE : Lénine, là-dessus dit… de fort belles choses.

    GÉRONTE : Je le crois

    LA MELUCHE : Ah ! c'était un grand homme !

    GÉRONTE : Sans doute.

    LA MELUCHE :  Grand homme, tout à fait : un homme qui était plus grand que moi de tout cela. Pour revenir donc à notre raisonnement, je tiens que cet empêchement de l'action est causé par certaines humeurs, qu'entre nous autres, léninistes, nous appelons dialectiques; mais aussi matérialistes, c'est-à-dire... relatives à la lutte de classes; d'autant que les revendications formulées en Seine-Saint-Denis, c'est-à-dire dans tout le pays, venant pour ainsi dire à.... Entendez-vous le marxisme-léninisme ?

    GÉRONTE - En aucune façon.

    LA MELUCHE (avec étonnement) : Vous n'entendez rien au marxisme-léninisme ???

    GÉRONTE - Non.

    LA MELUCHE (sur un ton professoral)
    Luttes de classes... impérialiste... dialectique... matérialisme, chavisme, effacement de la dette, à mort l'Otan, aux chiottes l'Europe... assemblée constituante...

    GÉRONTE - Ah! que n'ai-je étudié?

    LA MELUCHE - Tout cela pris dans un certain ordre peut avoir comme conséquence que... Soyez attentif, s'il vous plaît !

    GÉRONTE - Je le suis.

    LA MELUCHE :  Je disais donc... peut avoir comme conséquence que... que les gens, vivant dans une dictature bourgeoise et subissant la paupérisation croissante de la classe ouvrière, les gens donc, ont, de ce fait, de la peine à exprimer leurs désirs de référendum révocatoire...

    GÉRONTE - Ah! que cela est bien dit !

    LA MELUCHE : Et voilà justement ce qui fait que la Cinquième est malade !

    GÉRONTE - On ne peut pas mieux raisonner, sans doute. Il n'y a qu'une seule chose qui m'a choqué : Je n'ai pas observé la dictature et la paupérisation croissante que vous avez évoquées

    LA MELUCHE - Oui, cela est dû au fait que vous vous fiez à vos sens ! Il faut faire confiance aux leaders qui connaissent, mieux que vous, ce qu'il convient de voir et de penser. 

    GÉRONTE - C'est ce que je ne savais pas, et je vous demande pardon de mon ignorance.

    LA MELUCHE - Il n'y a point de mal, et vous n'êtes pas obligé d'être aussi habile que moi.

    GÉRONTE - Assurément. Mais, Monsieur, que croyez-vous qu'il faille faire à cette maladie ?

    LA MELUCHE :  Ce que je crois qu'il faille faire ?

    GÉRONTE - Oui.

    LA MELUCHE : Mon avis est qu'on achève la Cinquième et que l'on fasse la Sixième !

    GÉRONTE - Achever la Cinquième et faire une Sixième...? Pourquoi cela, Monsieur ?

    LA MELUCHE :  Parce qu'en faisant une Sixième qui ne dira que ce que je lui dirai de dire et ne fera que ce que je lui dirai de faire, elle ne sera ni muette ni impuissante !

    GÉRONTE - Cela est vrai. Ah, le grand homme ! Vite, achevons la Cinquième !

    LA MELUCHE : Et surtout : vive la sixième !

     

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