• Les séducteurs italiens

     

    Marseille. Huit heures du matin. Gaëlle a décidé de faire la grasse matinée. Pas de café dans l'appart des amis qui nous hébergent. Je sors sur la corniche Kennedy et m'installe à la terrasse d'un bistrot pour prendre le premier café de mes vacances marseillaises.

    Un beau quadra grisonnant arrive et s'assied à quelques mètres de moi. Mince, élégant, cheveux gominés, lunettes de soleil réfléchissantes, il présente à la serveuse un sourire carnassier et un fort accent italien : "S'il vous plait, oune café... décaféiné ! avec le lait froid, à part ! et pas de soucre... " Un peu plus tard, il demande à la serveuse de changer le lait qu'il trouve un peu tiède en précisant qu'il veut du lait "froid mais pas "glacé"... ! Il sourit à toutes les femmes qui passent et les invite d'un geste à s'asseoir à sa table. Elles lui répondent toutes par un large sourire, amusées et flattées.


    Ce genre de type m'horripile et me fascine à la fois. J'ai l'impression de l'avoir toujours croisé sur mon chemin. En vacances, en boîte, dans le regard des filles, dans mes réflexions de jeune adulte sur la vie. Vous voyez ce que je veux dire ? Une fille vous a traité de "macho stupide" parce que vous avez dit en plaisantant que "les femmes" n'y connaissent rien en informatique. Lui, il arrive un moment après, il discute avec la même fille et lui dit AU PREMIER DEGRE "les femmes, si tou as la lamborghini, tou te les emballes toutes ! Y a pas di mystère !" Tu te dis : "putain ! qu'est-ce qu'il va se prendre dans la gueule, le con !!" Eh bien non ! la féministe (oui oui, la même qui vous a traité de macho stupide tout à l'heure !) est tout sourire et lui répond en faisant sa mijaurée : "ahahah ! Ricardo ! tu exagères enfin ! pas toutes les femmes, voyons ! "

    On se dit, dans ces moments là, que la vie est simple finalement et que c'est nous, les non-italiens, qui nous la compliquons ! Lui, il ne se pose pas de questions métaphysiques ! Pour lui les gens autour de lui sont des cons et des connes SAUF ceux et celles qui l'aiment bien. Il ne se met pas à la place des gens, il ne veut pas être politiquement correct. Non ! Il est beau, séducteur, beau parleur et c'est aux autres de chercher à lui plaire ! De toute façon, si une nana n'est pas aimable avec lui, il se tourne vers une autre qui, elle, n'attend que ça ! Ou dans le pire des cas, il s'en va dans le traitant de frigide ! Et ça c'est l'horreur pour une nana normalement constituée, d'être traitée de frigide par Ricardo ! Cette réputation la suivra pendant des années, car personne ne met en doute la parole de Ricardo ! Ricardo sait, avant même de vous avoir touché, mesdames, si vous êtes frigides ou pas !
    Lui , si vous voulez, c'est le fameux hidalgo "beau, beau, beau et con à la fois" de Jacques Brel ! Tiens, d'ailleurs pour être aussi agressif, il a du les croiser souvent , lui aussi, le Jacquot !

    Une amie m'a raconté comment ça s'est passé pour elle il y a quelques années dans le lit d'un séducteur italien sévissant sur la côte d'azur. Je précise tout de suite que, elle, ce n'est pas une nunuche ! Cadre dans une banque, femme divorcée libérée, sexuellement très active, femme moderne quoi ! Moderne et émancipée, oui, mais pas quand on se trouve face à Giuseppe !

    Giuseppe l'avait choisi, elle, parmi les six copines avec qui elle était en boîte ce soir-là. Elle n'en revenait pas, d'avoir été l'élue ! Vers trois du matin, direction le petit studio qu'il a loué pour les vacances. Il lui dit de se servir à boire dans le frigo pendant que lui se déshabille tranquillement. Elle s'approche de lui : "Oh, Giuseppe, je suis tellement heureuse !" Il lui répond gentiment mais fermement : "Oune moment, s'il te plait, c'est dé l'alpaga, cé pantalon ! il tombe par terre et il est foutou ! bon à jéter!" Bon Ok, elle va s'asseoir sur le lit et l'attend. Lorsqu'il a fini de plier soigneusement son pantalon et sa chemise sur la chaise, il vient s'asseoir à coté d'elle, en caleçon tee-shirt. Elle met sa tête sur son épaule : "Oh Giuseppe ! si on m'avait dit ce matin que je serais dans tes bras ce soir..." Ooups ! en disant cela, elle se demande si elle n'a pas commis une gaffe ! Elle essaie immédiatement de rectifier le tir : "Tu sais, Giuseppe, tu peux être fier de toi, c'est la première fois que je cède aussi vite à un homme".

    Giuseppe ne s'était peut-être pas posé la question. Pour lui une nana couche avec lui dès le premier soir, que dis-je ? dès la première heure ! Et il sait pourquoi : c'est parce qu'il est un séducteur irrésistible, un point c'est tout ! Mais comme elle, elle a mis la question sur le tapis, il lui vient un doute : Ne serait-ce pas une fille facile ? Il réfléchit avec ostentation, la regarde avec l'air grave et le sourcil interrogateur. Elle lui dit : "Giuseppe, qu'est-ce qu'il y a ?" Giuseppe lui demande : "Tou as fait oune test de Herpès ? oune de tes copines avait un bouton sour la bouche." Elle lui repond : "euhh...je sais pas... j'ai fait le test HIV il y a un mois, je pense qu'ils ont fait le nécessaire...!" Giuseppe s'énerve : "mais qu'est ce que ca veut dire "zont fait lé nécessaire" ? ils font deux tests pour le prix d'un dans cé pays de merde ?? C'est comme les panna cotta dans le café San Pedro ?" Elle tente de le calmer : "Mais giuseppe, on va se protéger avec le préservatif !" Giuseppe est en colère : "Mais la Herpès s'attrape par la salive, amore mio, tout le monde le sait, sauf toi ? j'ai un copain il est sûr dé l'avoir attrapé en serrant la main d'una collègue contaminée!" Giuseppe se calme :"Bon, je t'appelle oune taxi ! tou rentres chez toi, demain tou vas faire les tests dé hépatité B, dé herpès et dé syphillis et si tou veux tu reviens me voir après!"

    Et bien vous me croirez si vous voulez, chers amis, mais après être partie en larmes, elle a quand même été faire les tests demandés et se demandait plusieurs jours après, en me racontant cette histoire, si elle n'allait pas retenter sa chance.

    Oui, oui je sais, chères amies, vous êtes ulcérées et vous vous dites que vous, vous lui auriez mis votre poing dans sa petite gueule de macho enfariné ! Mais c'est peut-être parce que vous n'avez pas encore rencontré Giuseppe ou Ricardo.

    Toutes les femmes ont eu au moins un séducteur italien dans leur vie, même quand il n'est pas italien. Celui de Simone de Beauvoir était américain et elle lui écrivait : "C'est pourquoi je peux dire qu'avec vous seul j'ai et j'ai jamais eu une vie sensuelle et j'ai besoin que vous la preniez au sérieux et que vous sachiez que je la prends au sérieux moi aussi de toute mon âme".

    En lisant cette supplique, on comprend qu'il l'a fait jouir, contrairement à son faire-valoir de philosophe.

    Moi, je suis assis là à cette terrasse de café en train de l'observer. Il regarde ostensiblement les fesses des nanas qui passent. Elles n'ont pas l'air de le prendre mal. Il lance son sourire carnassier à toutes sans exception, les invite d'un geste de la main à venir partager son petit-dèj. Elles lui répondent toutes par une large sourire, amusées et flattées à la fois. Même moi, si mal disposé l'égard de ce rival redoutable, je finis par le trouver séduisant, c'est vous dire s'il est dangereux !

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