• The connoisseur

    The connoisseur

     

    J'aime bien cet homme. Ben oui, la mode étant au bad boy méprisant envers les premiers de la classe, je prends le parti délibéré d'aimer les premiers de la classe (quelque soit leur âge) et de mépriser les bad boys !

    Le bonhomme est de dos mais son attitude et ses vêtements disent qu'il est bourgeois, friqué, plutôt cultivé, avocat d'affaire réputé, notaire peut-être, ou alors haut fonctionnaire ou encore principal associé d'une grosse agence immobilière.  

    La scène n'est pas ironique. On sent bien que le tableau ne montre pas un vieillard  ridicule totalement imperméable à l'art moderne en train de se demander "c'est quoi, cette connerie ? " . 

    Le titre The connoisseur paraît pourtant suggérer le contraire (on croit entendre "ah, je vois que Monsieur est connaisseur") mais c'est un faux ami.  Wikipedia nous dit :  "En 1955, dans Meaning in the Visual Arts, Erwin Panofsky explique la différence entre un connoisseur (à ne pas confondre avec un connaisseur, en anglais - an expert) et un historien de l'art. « Le connoisseur peut être défini comme un historien de l'art laconique et l'historien de l'art, comme un connaisseur loquace"

    Autrement dit, notre homme est un amateur d'art averti et introverti, un type qui aime l'art et se tient au courant mais n'en fait ni un élément de frime, ni son métier.  

    Il y a deux façons de tomber dans le piège de l'art moderne : en faire son métier ou en faire un élément de look intellectuel. 

    En faire son métier vous fait tomber dans le panneau des experts. Vous cessez de voir l'oeuvre pour ne voir que sa valeur. Plus précisément vous évaluez l'intérêt artistique d'une oeuvre en fonction du prix estimé par les experts. Un dessin griffonné à la va-vite par Picasso pour payer sa note d'hôtel aura une valeur financière bien supérieure à sa valeur artistique (1). Mais comment pourrions-nous, si c'est notre métier d'en vendre, d'en acheter ou d'en exposer , faire abstraction de cela  et estimer que ce gribouillis est une merde en dépit de son prix ? 

    Dans l'autre cas, celui de l'amateur averti soucieux de son image d'homme cultivé, nous tombons dans le piège de l'historien de l'art et nous  nous ancrons dans la conviction qu'un vrai amateur d'art n'est que celui qui sait parler d'une oeuvre, parler des circonstances dans lesquelles elle a été créée, des détails de la vie du peintre, du courant pictural dans lequel il s'inscrivait, des peintres qui ont influencé l'artiste, en faisant totalement abstraction de ce qu'une oeuvre d'art peut avoir de "brut", d'absolu à nous proposer.

    Notre "connoisseur" n'a l'air d'être ni l'un ni l'autre. Il observe en honnête homme, se dit que tout cela est très... attrayant et très déconcertant en même temps . Il fait l'analyse que cela représente un courant qui ne fera que se développer ou au contraire que c'est un "one shot" et que l'artiste passera sa vie à reproduire le même tableau à quelques variantes près. Il se demande si il aime. Mais si,  il aime ! Cette explosion de couleur a à voir avec la naissance, la vie , le big bang, la jouissance ! Bien sûr qu'il aime ! Il n'ira pas le crier sur les toits, mais il aime !

     

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    (1) Et quand le directeur de l'hôtel lui demande de signer le dessin griffonné en quelques secondes, Pablo lui répond " Hé, je n'ai jamais dit que je comptais acheter votre hôtel, Monsieur !"  

    Prétentieux ? peut-être pas ! 

     

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